Intervention Michèle VIANES : Atelier CSW ONU 5 mars 2001
Par Admin le mardi, 16 mars 2010, - Lien permanent
ATELIER CLEF, FEMMES SOLIDAIRES ET REGARDS DE FEMMES 54° CSW, ONU, 5 FEVRIER 2010
Intervention Michèle Vianès
« Ou tous les individus ont les mêmes droits ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits. Celui qui vote contre les droits d’un autre quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe a dès lors abjuré les siens » Condorcet A la suite de la Déclaration Universelle des Droits Humains en 1948, la Convention du 2 décembre 1949 sur la traite et la prostitution, la Convention Cedef (Cedaw) et la Plate-forme d’Action de Pékin en 1995 ont permis des avancés significatives des droits fondamentaux des femmes et de leur accès à l’autonomie.Aujourd’hui, on peut observer dans tous les pays du monde des tentatives de retour du patriarcat. Notre atelier propose de mettre en lumière les avancées et les menaces afin d’exercer notre vigilance pour empêcher toute régression des droits des femmes.
Déclaration Universelle des Droits Humains
Préambule « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde,… l'idéal commun à atteindre »Article 1 « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
La référence à la trilogie républicaine française, issue des Lumières et de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. La liberté sans l’égalité aboutit à la loi du plus fort. Réciproquement l’égalité absolue est la négation de la liberté. Le couple liberté/égalité a besoin pour atteindre son équilibre de la fraternité, devoir social républicain de chacun envers l’autre. La fraternité empêche la liberté d’engendrer les privilèges et l’égalité d’engendrer l’oppression.
Depuis 191 Etats l’ont ratifié mais en imposant ce que la marocaine Fatima Mernissi appelle des « mascarades de réserves », en fonction de coutumes et traditions.
En particulier, le principe selon lequel les dispositions ratifiées du droit international ont une primauté sur les législations internes ne figure pas dans les législations nationales. Des pays ont des droits nationaux qui s’opposent aux principes d’égalité des droits et de non-discrimination des Conventions onusiennes. Ce qui fait de la ratification, un simple hommage du vice à la vertu.
L’important pour un certain nombre de pays, c’est d’être présents afin d’empêcher tout accord. Des alliances de pays dans lesquelles les pressions fondamentalistes religieuses entraînent des restrictions, voire une violation des droits humains des femmes. Les Etats Islamistes, le Vatican ou la Pologne s’opposent à toute reconnaissance de l’égalité hommes/femmes.
Nous l’avons vu plus récemment concernant le blasphème. Le blasphème n’est pas un délit. Il ne s’agit nullement de racisme, c’est-à-dire de discrimination sur une base d’apparence physique, mais de l’expression d’un désaccord ou d’une critique à l’égard d’une croyance, d’une opinion. Cela va à l’encontre des principes universels, en particulier la liberté de conscience.
Confusion entre cultures et traditions
Dans l’inconscient collectif, les stéréotypes restent prégnants, en particulier la légitimation du pouvoir masculin sur les femmes, avec la violence comme instrument. On admet sous prétexte d’un relativisme culturel ou religieux que des femmes soient privées d’un certain nombre de droits fondamentaux : disposer librement d’elles-mêmes, de leurs corps, de leurs actes et de leurs esprits. Or ce relativisme culturel est bien du racisme puisqu’il est utilisé pour interdire à des personnes, principalement des femmes, de jouir des droits humains fondamentaux. Lorsque les associations de femmes souhaitent invoquer la notion de « statut le plus favorable », il est répondu qu’il s’agit d’ethnocentrisme ! L’encyclopédie de Diderot dénonçait « cette coupable indifférence qui nous fait voir sous le même aspect toutes les opinions des Hommes. ».Non, tout ne se vaut pas et n’équivaut pas. La tolérance, non réciproque, est le fait du prince. Nous n’avons pas à tolérer l’intolérable.
La culture est instrumentalisée pour empêcher le vivre ensemble. La confusion entre culture et tradition permet d’enfermer. Le respect de la culture d’origine empêcherait tout échange avec l’autre, ce serait trahison.
La modernité est fondée sur la culture individuelle. L’individu est considéré comme tel lorsqu’il a une conscience de soi. Si l’individu est plus agi qu’acteur, plus soumis que maître, le « je pense » remplacé par « je suis pensé », il n’est plus sujet mais objet, interchangeable à merci, l’image tend à prévaloir l’un et l’autre pousse à l’imitation, à la viscosité groupale. Primat du groupe sur l’individu.
La culture est instrumentalisée pour empêcher le vivre ensemble. Le respect de la culture d’origine empêcherait tout échange avec l’autre, ce serait trahison.
L’universel désigne ce qui est commun à tous les êtres humains, Il n’est pas la négation du particulier, mais permet d’émanciper chaque personne de toute tutelle oppressive et d’assumer le particulier de façon non fanatique. L’Universel est une référence émancipatrice.
C’est penser les conditions de la concorde, alors que les particularismes, s’ils veulent s’imposer comme identité collective, politique, sont exclusifs : coutume contre coutume, croyance contre croyance.
Pour lutter contre la pauvreté des femmes, tous les Etats devraient adopter des lois et les faire appliquer pour l’égalité successorale des femmes et des hommes.
Parmi les traditions qui empêchent les femmes d’accéder à leur émancipation et leur autonomie, la non égalité dans l’héritage est une des causes fondamentales.
Aussi bien en Grèce qu’en Inde, la personne qui hérite de la propriété familiale doit faire les offrandes aux morts. La fille devant quitter sa famille lors du mariage, l’héritage familial reviendra tout naturellement exclusivement au fils.
Dans la société grecque antique, si à l’origine, la dot consistait en une terre, bien durablement transmis par la mère à ses fils, dès que se développe, en même temps que la cité, la pratique de la dot en numéraire, confiée au mari, la femme devient la mineure sous tutelle.
De même en France, la loi salique est due à l’utilisation d’une coutume des Saliens qui interdisaient aux femmes l’héritage de la terre. Transformée en interdiction pour les femmes d’accéder au pouvoir, loi bien utile après la mort de Philippe le Bel pour écarter la dynastie d’Angleterre de la succession au trône de France.
Françoise Morvan va nous montrer comment ces traditions perdurent encore de nos jours et les textes sur lesquels s’appuyer pour les éradiquer.
[ L'Atelier CSW ONU 5 mars 2010 ]
[ Compte rendu de la 54° Commission des Nations-Unies ]