Atelier organisé par Clef, Femmes solidaires et Regards de femmes
La table-ronde sur le non-enregistrement des naissances, a été animée par Michèle Vianès
Pour l’Unicef, 51 millions d’enfants par an ne sont pas enregistrés à leur naissance dans les registres d’état civil. Parmi ces millions d’enfants notre table ronde a ciblé les filles et parmi les conséquences de ce déni de droits humains, le droit à l’éducation.L’absence d'état civil constitue un mécanisme absolu d'exclusion sociale. Sans identité, les enfants filles et garçons sont invisibles et dépourvus des droits fondamentaux universels. Leurs droits sont bafoués. Leur existence est niée. Ce sont des morts vivants.
Sans acte de naissance, cette « carte de membre » de la société, clé de toute une série de droits, ils ne peuvent prouver ni leur âge ni leur identité .
On leur refuse un nom (« nn » « no name » réfugiées dans l’ex-Yougoslavie) et ils n’existent pas aux yeux de la loi. Puisqu’on ne connait pas leur âge, ils n’auront même pas la protection minimale conférée aux mineurs, contre le mariage précoce, le travail des enfants, l’enrôlement dans les forces armées ou encore la détention et les poursuites judiciaires. Ils ne bénéficient d’aucune protection, contre l’abus et l’exploitation. Un enfant non enregistré sera une « marchandise plus attirante» pour un trafiquant d’enfants. "L’invisibilité" des enfants non enregistrés fait que la discrimination, l’abandon et les abus dont ils sont victimes auront plus de risque de passer inaperçus.
Plus tard, il leur sera impossible d’obtenir un passeport, de solliciter un emploi reconnu, d’ouvrir un compte en banque, de contracter un mariage légal, de se présenter à des élections, ou de voter.
Les politiques discriminatoires visant à réduire autant que possible l'effectif officiel des minorités ethniques a des répercussions directes sur l'aide fournie aux immigrants.
Rachel Gogoua, Présidente de l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (ONEF), Côte d’Ivoire, a présenté ce qui fait obstacle à l’enregistrement des naissances au point de vue juridique, administratif, géographiques, politique. [Lire l'intervention au format Pdf]
Françoise Morvan, vice-présidente de la Clef, a souhaité attirer l’attention sur la situation des enfants privés d’identité suite à une non reconnaissance ou une perte d’identité. En particulier, elle a évoqué la situation des enfants ROMS dont la grande majorité ne bénéficient pas de scolarité sur le territoire français ; elle a tenu également à souligner le problème des mineures isolées, en métropole mais également en Guyane et à Mayotte dont les risques éducatifs sont compromis faute de moyens de prise en charge. Le phénomène est mal connu, les enfants vivant seuls et sans identité reconnue. [Lire l'intervention au format Pdf]
Les pays ayant des lois patriarcales sur la nationalité sapent leurs propres systèmes d’enregistrement.
Maria Paola Chiesa Azzaro, du centre Unesco de Turin a présenté les actions de la commune de Turin vis-à-vis des mineurs isolés ainsi que l’action BRAVO (Birth Registration for All Versus Oblivion) pour encourager les déclarations de naissance en sensibilisant les parents et en soutenant les actions des Ministères et services concernés. Le programme commencera en Côte d’Ivoire puis dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne. [Lire l'intervention au format Pdf]
Dans certains pays, les femmes ne peuvent pas déclarer leurs enfants, quant aux mères célibataires elles sont confrontées à des problèmes insurmontables La discrimination sexiste qui ferme l’école aux filles peut avoir deux impacts directs sur l’enregistrement des naissances. D’abord, dans les pays où la fréquentation de l’école est aussi un mécanisme pour l’enregistrement, cela peut priver d’un seul coup les filles de deux chances précieuses. Ensuite, lorsque les filles qui n’ont pu recevoir d’éducation scolaire ont à leur tour des enfants, il est moins probable qu’elles les fassent enregistrer.
61 millions d’enfants d’âge à fréquenter l’école primaire, des filles en majorité, ne sont pas scolarisés– notamment des enfants au travail, des handicapés, des enfants affectés par le VIH/SIDA ou des conflits armés, des enfants appartenant aux classes pauvres ou à des minorités ethniques.
Il s’agit souvent d’enfants vivant dans des situations où il est difficile de faire enregistrer les naissances. Le défaut d’enregistrement et l’acte de naissance peuvent n’être que l’un des facteurs qui vont déterminer la scolarisation de l’enfant, mais leur importance risque d’être cruciale. D’autant plus que de nombreux parents pensent qu’ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants s’ils n’ont pas d’état civil.
Mazal Renford, Directrice du Centre international de formation pour le développement Golda Meir (MCTC) à Haïfa (Israël) a présenté les actions pour les fillettes népalaises « invisibles » vendues à l’âge de 9 ans à des familles Indiennes pour servir d’esclave domestique et sexuelle et répudiée quelques temps après. Un « village » a été créé à la frontière par les anciennes participantes du MCTC pour ces fillettes, n’ayant pas le courage de retourner dans leurs communautés d’origine. Afin de permettre la réintégration de ces fillettes dans leur société, grâce à un programme éducatif destiné à améliorer leur situation.
Elle a également signalé les actions menées en Amérique du Sud (Brésil, Colombie, Guatemala, Pérou) [Lire l'intervention au format Pdf]
Sabine Salmon, Présidente de Femmes Solidaires, a présenté le soutien de Femmes Solidaires à l’action de l’association Indienne Sruti, Depuis fin 2009, à Lucknow, capitale de l’Etat de l’Utta Pradesh, une des régions les plus pauvres de l’Inde, une école a été créée, à côté d’un bidonville de 300 personnes. L’association Sruti sensibilise les parents sur l’importance de la scolarisation des enfants, en particulier des filles.
Un peu moins d’une quarantaine d’enfants entre 3 et 14 ans sont scolarisés. Les apprentissages en 2 groupes ont lieu entre 9h et 13h, entrecoupés par une collation ( 1 biscuit ). Une fois par semaine un repas (riz-lentilles) est préparé, à tour de rôle par les mères des élèves. L’encadrement est assuré par 3 personnes. [Lire l'intervention au format Pdf]
Est-ce que l’absence d’état civil empêche les filles d’avoir accès à l’école ?
Il s’agit souvent d’enfants vivant dans des situations où il est difficile de faire enregistrer les naissances. Le défaut d’enregistrement et l’acte de naissance peuvent n’être que l’un des facteurs qui vont déterminer la scolarisation de l’enfant, mais leur importance risque d’être cruciale. D’autant plus que de nombreux parents pensent qu’ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants s’ils n’ont pas d’état civil.Les pays ont des règles différentes, tous n’imposent pas un état civil pour l’inscription, mais peuvent le demander pour le secondaire (Turquie) ou pour passer les examens (Sri Lanka). Au Népal, où l’enregistrement des naissances atteint tout juste les 34 % et où la loi n’exige pas la présentation d’un bulletin de naissance pour l’inscription scolaire, le Ministère de l’Education n’en a pas moins donné instruction aux écoles de demander ce document.
Au Pakistan, les enfants pauvres des zones rurales sont tenus à l’écart de l’école seulement parce qu’ils n’ont pas de certificat de naissance. Une directive a été donnée par le gouvernement pour enregistrer les enfants au moment où ils vont à l’école.
L’Algérie estime pour sa part qu’en exigeant un bulletin de naissance pour l’inscription à l’école, on soutient à la fois les services de l’état civil et ceux de l’éducation : taux de 97 % pour l’enregistrement des naissances et de 98 % pour les inscriptions à l’école primaire.
En conclusion, Rachel Gogoua a donné des pistes d’action, vis-à-vis des Etats et vis-à-vis des familles, pour éradiquer ce déni de droit fondamental universel.
Dans la salle, Eugénie Dossa a raconté son expérience d’enfant non déclarée à la naissance, Monique Bouaziz a présenté les travaux d’ONG chinoises, Sihem Habchi a souligné l’importance de la présentation d’ expériences positives, comme celles décrites lors de notre atelier pour montrer qu’il y a des issues, Valérie Unite de BPW a fait le parallèle entre le peu d’argent consacré à la mise en place de services d’état civil de qualité dans les différents pays et les dépenses de ces mêmes pays pour leur armement.