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Synthèse du Colloque : Pas de gouvernance démocratique sans les femmes

Introduction de Michèle Vianès, présidente de Regards de Femmes

(Intervention, biographie)

_DSC6239.jpgLa notion de parité politique entre les sexes traduit l’idéal républicain de liberté, égalité et fraternité, appliqué aux rapports sociaux de sexe. L’espèce humaine revêt deux formes qui ne sont ni assimilables, ni réductibles l'une à l'autre. Tout individu est femme ou homme biologiquement. Ce qui distingue les sexes n’a pas à se traduire en inégalité politique, sociale, culturelle. Les deux sexes sont dissemblables et égaux. Pendant des siècles les rapports étaient hiérarchiques entre les sexes. Les femmes étaient exclues de la fonction de représentation et de délibération politiques. La parité rompt avec ce déni car elle réintroduit un rapport d’égalité.

Au début des années 1990, devant les difficultés des femmes à obtenir des responsabilités politiques, des Françaises ont repris les idées d’Hubertine Auclert (1848-1914). En 1992, F. Gaspard et Cl. Servan-Schreiber et A. Le Gall publient « Au pouvoir citoyennes : liberté, égalité, parité ! ». La même année, a lieu à Athènes le 1er sommet européen, « femmes au pouvoir ».

Parallèlement se créent des associations qui revendiquent la parité, non comme un traitement préférentiel, une discrimination positive mais comme un moyen de parachever l’universel. Femmes et hommes peuvent représenter leurs concitoyens, femmes et hommes. Les femmes ne sont pas une catégorie mais une des deux formes que revêt l’être humain. Gisèle Halimi précisait : « Les femmes ne sont ni une race, ni une classe, ni une ethnie, ni une catégorie, elles se trouvent dans les groupes elles les engendrent, elles les traversent… L’être humain est d’abord féminin ou masculin ». La parité introduit une nouvelle dimension dans l’égalité entre les êtres humains. Rompant avec l’attribution traditionnelle de la sphère publique à l’homme et de la sphère privée à la femme, elle permet aux hommes comme aux femmes de sortir des rôles attendus. La parité est également un moyen de parvenir à l’adoption de politiques publiques favorables à l’égalité des sexes.

1ère table ronde : Vers la parité femmes/hommes dans les instances élues

(Reine Mataix, Saida Dorra Draoui, Dominique Daures, Awa N’Diaye)

Reine Mataix, présidente d’Elles aussi - Rhône : Inciter les femmes à être candidates (Intervention, biographie)

_DSC6251.jpgDepuis 20 ans, la situation des femmes en politique a changé, grâce à la progression de la notion de parité politique. Toutefois l'évolution des mentalités ne se traduit pas toujours par un progrès dans la représentation des femmes dans certaines instances élues.
Selon un sondage de Mediaprism, les femmes sont toujours davantage convaincues de leurs capacités que les hommes: 91% seraient prêtes à voter pour une femme aux prochaines élections présidentielles. 78% pensent qu’une femme à la tête du pays est une preuve de modernité. La moitié pense qu’il est plus difficile pour une femme que pour un homme de concilier vie privée-vie familiale. Aujourd’hui il y a une prise de conscience du rôle des medias et de la publicité dans les stéréotypes hommes-femmes dans la population. La préparation des repas, l’éducation des enfants restent le domaine des femmes. Et les taches techniques affectées aux hommes. 80% pensent qu’il devrait y avoir parité dans les instances de décision. Mais 70% dans les instances politiques. Les femmes aujourd’hui sont de plus en plus nombreuses à être diplômées (les majors de promo sont souvent des femmes). Les femmes ont les compétences, les talents requis pour faire de la politique mais n’en sont pas convaincues elles-mêmes! 83% des hommes se disent prêts à prendre des décisions contre 76% des femmes. Il y a, de ce fait, un déficit de femmes candidate.

On note également une méconnaissance de l’ampleur des inégalités aujourd’hui. 42% seulement des personnes interrogées savent que la France se situe en queue de classement par rapport aux autres pays européens pour l’application de la parité. Seuls 23% savent que la France a régressé.

Pour inciter les femmes à être candidates Elles aussi organise des forums, qui remportent un vif succès. Les femmes recherchent des informations sur les élections, sur l’exercice des mandats, mais elles ont surtout besoin d'être rassurées sur leur capacité à exercer un mandat politique. Elles aussi propose un travail de réflexion sur le statut de l’élu afin de créer un livret qui permette aux élus locaux de demander aux communes de faire un bilan de compétences, pour ensuite les valoriser. L’association constate qu’aujourd’hui, peu de femmes ont le temps de venir se former à la prise de décision. Elles ont le souci de gérer le foyer, les enfants, le travail et l’action publique.

La Marianne de la parité a été créée en 2009 pour récompenser les communes les plus engagées dans la parité.

Saida Dorra Draoui Mahfoudh, membre de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, des réformes politiques et de la transition démocratique de Tunisie : Les enjeux du vote des femmes et de leur participation à la transition démocratique. (Intervention, biographie)

_DSC6333.jpgLa rébellion en Tunisie avait commencé bien avant ce mois de janvier 2011 : en 2008, femmes et hommes avaient manifesté dans rues dans le bassin minier de Redyef. Grâce à ces manifestations, les femmes ont obtenu une loi sur la parité adoptée le 11 avril 2011 par la Haute instance pour la défense des objectifs de la Révolution. Les candidatures pour la constituante du 23 octobre 2011 sont présentées sur la base de la parité entre les hommes et les femmes et sur la base de l’alternance : 1 homme/1 femme. Les listes ne respectant pas ce principe ne sont pas acceptées. Les femmes ont bien l’intention d’utiliser ce droit de vote après la chape de plomb qui s’était abattue sur la Tunisie ces 23 dernières années.

Pour les prochaines élections, il y a à l’heure actuelle, 111 partis. Tous les partis sont dirigés par des hommes (4 femmes à la tête des partis dont 3 nouveaux). Les femmes sont au service des militants mais s’effacent lorsqu’il s’agit d’être au pouvoir. Quels sont les arguments utilisés pour les écarter du pouvoir ? « Les militants doivent être convaincus plutôt que d’imposer des femmes » (Forum démocratique pour le travail et les libertés). Pour le parti islamiste, être tête de liste demande « compétence et rayonnement ». Ils n’ont qu’une seule femme tête de liste sur 32 listes. La mise en œuvre de la parité a incité les partis à recruter des femmes mais n’a pas été suffisante pour les pousser à un réel partage du pouvoir. Une exception toutefois au pôle démocratique moderniste (PDM) : la moitié des listes sont présidées par des femmes. Aujourd’hui, rares sont les Tunisiens qui osent affirmer que les femmes sont incapables de faire de la politique. Mais ils ne mettent pas leurs principes en pratique. Cela a un impact sur l’estime des femmes. A cela s’ajoute la difficulté de garder un équilibre entre les tâches domestiques et la vie politique. Les femmes consacrent 8 fois plus de temps à la vie familiale que les hommes. En outre il existe en Tunisie une certaine méfiance des partis et une désaffection politique des femmes et des jeunes.

Saida Draoui conclut son intervention en citant Sanaa Ben Achour, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates : « Plus que jamais nous devons réussir notre transition et obtenir tous nos droits »

Dominique Daures, Déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité en Rhône-Alpes : Les femmes élues en Rhône-Alpes : Les femmes veulent-elles se saisir de cette opportunité de venir au pouvoir ? (Intervention, biographie)

_DSC6351-2.jpg« Nous n’avons pas de leçons à donner aux jeunes démocraties puisque nous, malgré notre antériorité, nous avons beaucoup de difficultés à obtenir un réel partage du pouvoir avec les hommes » dit-elle en introduction. Le principe de parité est apparu récemment dans notre législation. En 1998, les parlementaires réunis en Congrès réformaient les articles 3 et 4 de la Constitution pour y ajouter " la loi favorise l'égal accès des Femmes et des Hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives " et " les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions posées par la loi ». Un an après, en 2000, est publiée la loi relative à la parité qui contraint les partis politiques à présenter sur les listes autant de femmes que d’hommes. Ceux qui s’y refusent encourent des sanctions financières. En 2007, la loi est modifiée. Après les élections municipales de 2001, les législatives de 2002, les régionales de 2004 des précisions sont apportées aux textes afin de parer aux éventuelles manœuvres mises en place par les partis pour ne pas changer l'ordre établi.

Ces lois ont eu un impact sur les élections : Pour les élections législatives de 2007 la région ne compte que 2 Femmes sur 49 députés soit 4,8%. Pour les municipales de 2008, la région se place à égalité avec la moyenne nationale à 13,8%. Pour les européennes de 2009 le scrutin proportionnel intégral favorise l'accès des femmes puisqu'en Rhône- Alpes on atteint 40 % comme en France. Pour les régionales de 2010, Rhône-Alpes atteint 47,8 la moyenne nationale est de 48% la parité presque parfaite. Aux cantonales de mars 2011 la proportion de femmes élues est de 14,2% alors qu'au niveau national elle est de 13,8% . Il n’y a plus en R.-Alpes un seul conseil général sans femme. Toutefois la loi reste inachevée et se heurte à d'autres facteurs liés à notre histoire, à nos mœurs politiques et aux modes de scrutin. Et si l'on constate une progression dans les élections régionales et européennes c'est parce qu'il s'agit d'élections à la proportionnelle plus favorable.

Il existe des solutions pour améliorer ces résultats décevants. En voici quelques-unes:
  • le non cumul des mandats et leur limitation dans le temps permettrait un rajeunissement et une féminisation de la classe politique
  • un véritable statut de l'élu qui prendrait en compte les besoins des femmes comme ceux des hommes (par exemple les frais de garde des enfant)s serait de nature à encourager les candidatures féminines
  • la parité pourrait être imposée dans tous les exécutifs y compris les structures inter-communales dont les femmes sont absentes ou reléguées à des représentations subalternes
Dominique Daures termine son intervention en citant Réjane Sénac-Slawinski, auteure d'un « Que sais-je ? » sur la parité et enseignante à Sciences-Po Paris : "La parité qui, dans sa forme numérique, est pensée comme une modalité spécifique de l'égalité, devrait contribuer à refonder un système démocratique manifestement déficient puisqu'il n'a pu intégrer la moitié des citoyens".

Awa N’Diaye, Ministre d’Etat, Ministre de la Culture, du Genre et du Cadre de Vie du Sénégal : La loi Sénégalaise sur la parité absolue entre les hommes et les femmes. (Intervention, biographie)

_DSC6395.jpgLa parité au Sénégal est un très long processus. Au Sénégal, les mouvements de femmes sont extrêmement puissants et c'est à partir de ces mouvements qu'est née l'idée de parité et l’engagement. Très vite, les Sénégalais ont dit non aux quotas et se sont engagés pour la parité. Pour Madame N’Diaye, les femmes françaises peuvent se permettre de ne pas entrer en politique car elles ont déjà acquis des droits. Mais pour les sénégalaises c’est une question de vie ou de mort. L’égalité de genre est extrêmement importante pour les Sénégalaises. Elles se battent pour l’égalité et pensent que la parité est le meilleur moyen d’y parvenir. Une stratégie nationale pour l’égalité de genre a été mise en place. A Durban, un groupe de femmes engagées a déclaré au Président Wade qu’elle voulait 30% de femmes au sein de l’Union Africaine. Celui-ci a rétorqué « pourquoi pas 50% ? » et a plaidé pour 50%. Cela a réveillé le militantisme des associations de femmes. La parité était en marche.

La parité est effective depuis 2010 mais c’est en 1996 qu’on a commencé à en parler, à militer, à faire des forums, à former les femmes au leadership. En 2002, a eu lieu une marche pour la parité. On a également fait appel aux grandes chanteuses populaires pour chanter la parité. Quand elles ont senti que le président était pour la parité, les Sénégalaises ont porté et poussé le mouvement.

Les femmes sont extrêmement politisées au Sénégal. La politique est un fait social et c’est un enjeu de promotion sociale pour elles. Au Sénégal ce sont les femmes qui tiennent la politique. Le président sénégalais a expliqué que lorsqu’on éduque une fille, on éduque une famille. Une femme consciente politiquement veut que sa fille aille à l’école, que la santé dans sa famille augmente d’un cran. Aux dernières élections de mai 2010, toutes les listes était paritaires.

Le combat des femmes sénégalaises et le pari des plus Hautes Autorités du Sénégal se fondent sur la conviction qu’aucun pays ne saurait intégrer le cercle des pays émergents, en laissant en rade la frange la plus importante de sa population.

INTERMEDE : Discours de Hubertine Auclert Marseille, Congrès socialiste de 1879

Lecture par Audrey Jegousse et Pierre Vandestock de la Compagnie La Nébuleuse

2ème table ronde : Les femmes et la gouvernance démocratique

(Bernard Lamizet, Brigitte Coulon, Muguette Dini, Nicole Théron, Julienne Mukabucyana)



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