Des actions pour refuser toutes violences envers les femmes et les filles au nom de coutumes ou de religions
59ème CSW, 10 mars 2015, 12.30-14.00, CCUN, UN Plaza, New York
Ouverture par Michèle Vianès, présidente de Regards de Femmes
Regards de Femmes agit, en France et dans le monde, en partenariat avec de très nombreuses associations de droits des femmes pour que tout espace, public ou privé, assure aux femmes et aux filles sécurité, égalité, reconnaissance et respect de leur dignité. Ces espaces d'autonomie et de liberté permettent d’étudier, d’être soignées, d’être jugées, de travailler, de s’épanouir, ensemble avec des hommes, ensemble avec d’autres femmes.Pour agir pour l’égalité en droits, devoirs et dignité des femmes et des hommes, y compris les femmes en situation de handicap, Regards de Femmes s’appuie sur :
- La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’Article 5 exige des États parties qu’ils « adoptent des mesures susceptibles de faire évoluer les attitudes sociales et culturelles des hommes et des femmes, dans le but d’éliminer les préjugés et les pratiques coutumières fondées sur les inégalités des sexes et les stéréotypes ».
- La Déclaration sur l’Élimination de la Violence envers les Femmes, qui inclut toutes les formes de menaces, dommages ou harcèlement physiques, sexuels ou psychologiques.
- Le Programme d’Action de Pékin « La violence à l’encontre des femmes est l’une des violations des droits de la personne humaine la plus communément répandue et cependant la moins reconnue » et l’article 124 de la Plate-forme d’Action « Les gouvernements devraient condamner la violence à l’égard des femmes et s’abstenir d’invoquer des considérations de coutume, de tradition ou de religion, pour se soustraire à l’obligation de l’éliminer conformément à la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes… »
- Les Objectifs du Millénaire pour le Développement.
L’éradication des humiliations, discriminations ou violences, subies ou « choisies » par les femmes, à l’encontre des femmes, y compris au nom de religions ou de coutumes, doit être assurée par tous les gouvernements et les Etats signataires des Conventions, Déclaration, Programme et Plateforme d’Action cités.
En France, comme dans tous les pays du monde, des attaques contre les droits et la dignité des femmes, sous couvert de traditions, de coutumes ou de pratiques religieuses se multiplient. Il est indispensable de réaffirmer que la liberté de conscience, droit humain fondamental, a pour corollaire immédiat la neutralité des Etats par rapport aux options philosophiques ou aux croyances des personnes. Les unes et les autres doivent rester dans le domaine de l’intime. Les afficher, les imposer peut heurter les convictions d’autres personnes.
Pour vivre ensemble dans le respect mutuel, par-delà les différences, Regards de Femmes promeut le formidable outil d’émancipation universel qu’est la laïcité, force et bouclier pour les femmes.
La laïcité organise l’espace politique qui repose sur la liberté de penser et d’expression, sur l’égalité en droit et en dignité des options philosophiques ou croyances religieuses et sur la neutralité de l’action publique.
L’impartialité dans la garantie de pouvoir croire, de ne pas croire ou de douter et pour toutes les confessions de pouvoir exercer librement leur culte, sous réserve de ne pas attenter aux libertés d’autrui, ni troubler l’ordre public impose à l’Etat et aux collectivités territoriales, aux agents des services publics et à leurs usagers, la neutralité vis-à-vis de toutes les religions et surtout l’indifférence.
Moyen de faire coexister des femmes et des hommes qui ne partagent pas forcément les mêmes convictions, mais émancipés par une éducation à l’autonomie rationnelle de jugement, l’exigence laïque demande à chacun un effort sur soi. Le lien civique a la prééminence sur tous les particularismes historiques ou religieux, sur les solidarités domestiques locales ou claniques. La loi est la même pour tous et toutes. Pas de droits différenciés selon le sexe, l’appartenance à une religion ou une idéologie, à une profession.
Avant de donner la parole aux intervenantes des différents pays pour qu’elles nous présentent les pratiques et contraintes traditionnelles ou religieuses limitant la reconnaissance de la pleine capacité des femmes, je vais demander à Nicole Ameline, Ministre de la parité et de l’égalité professionnelle de 2004 à 2005 et présidente de la CEDEF/CEDAW jusqu’en décembre 2014, qui nous fait l’honneur d’être avec nous, d’introduire nos débats.
Tables rondes :
1. Non-respect des Conventions internationales
1.1. Les lois sont votées mais sans les faire connaitre ou donner les moyens de leur application
Suzanne Haddad N’Guessan Zékré, procureure générale près la Cour Suprême de Côte d’ivoire, pouvez-vous-nous dire ce qu’il en est dans votre pays ?1.2. Les Etats ne respectent pas leurs engagements
Aouicha Bekhti, de l’Association Amel (Association pour la mixité, l’égalité et la laïcité en Algérie), comment la Constitution algérienne ouvre la voix aux mesures discriminatoires envers les femmes dans votre pays ?Mama Koite, Présidente du réseau MUSONET, membre du Comité consultatif régional Afrique de l’Ouest et du centre d’ONU Femmes et présidente de la coalition malienne pour la Cour Pénale Internationale. Mama a participé aux négociations d’Alger sur le Mali.
Nos amies ont présenté la situation en Afrique de l’Ouest, Françoise Morvan, présidente de la Coordination française pour un lobby européen des femmes, qu’en est-il en Europe, quelles sont les menaces qui pèsent sur les femmes par rapport au droit fondamental de disposer de son corps et d’avoir la maitrise de son désir d’enfant ?
Le consentement au mariage, droit révolutionnaire, obtenu par les Françaises en 1792, base de l’autonomie et de l’émancipation des femmes, n’est toujours pas considéré comme un droit universel, dans de nombreux pays.
Blandine Ashi, chargée de programme autonomisation et politique genre et santé, de l’ONEF, Côte d’Ivoire qu’en est-il des coutumes néfastes concernant les mariages et grossesses précoces ?
2. Respect effectif des droits des femmes et des filles les enjeux essentiels pour les femmes à inclure dans les Objectifs du Développement Durable (agenda post 2015).
2.1. Actions des associations pour avancer :
Après ce tableau noir, nous allons demander à nos intervenantes de nous présenter des bonnes pratiques et les outils mis en place par leurs associations pour le respect effectif des droits des femmes.Parmi les enjeux essentiels à inclure dans les ODD, le post 2015, la capacité des femmes, quel que soit leur statut marital de déclarer la naissance de leurs enfants.
Rachel Gogoua, présidente d’ONEF Côte d’Ivoire, va présenter les partenariats qu’elle a initiés : déclaration des naissances.
La maitrise par les femmes de leur désir d’enfant, ne plus être soumise à la fonction biologique d’enfanter passe par l’accès à la contraception.
En Afrique de l’Ouest les 9 pays signataires[1] du partenariat de Ouagadougou sont conscients qu’il est urgent d’agir. Moins de 15% des femmes ont accès à la contraception, alors que la démographie est inquiétante avec une population qui risque d’être multipliée par 2 d’ici 2040 et par 3 d’ici 2060.
Ces États ont élaboré des plans nationaux d’action, les partenariats techniques et financiers se sont renforcés pour mettre en œuvre de nombreux programmes sur le terrain avec une dimension éthique, économique et sociale. L’investissement dans la contraception a des retombées très fortes dans d’autres secteurs.
L’objectif de 2015 : 1 million de nouvelles utilisatrices sera atteint. Les défis d’aujourd’hui : comment dépasser cet objectif ? comment informer ? Face aux traditions et aux obscurantismes comment développer la connaissance et l’utilisation des moyens de contraception ?
2.2. Quelles seraient les actions prioritaires
Alors qu’en France la loi protège toutes les filles et femmes contre les violences, en fonction des traditions ou religions, des familles imposent à leurs filles et femmes des coutumes de leurs pays d’origine. Regards de Femmes alerte et réagit fortement contre ces violences fondamentales qui perdurent dans notre pays, en raison du non-respect par les parents de la loi, en particulier au sujet de :Excision
Cette violence peut être commise à l’encontre des fillettes en France ou lorsque leurs parents vont en vacances dans le pays d’origine.La loi française définit l’excision comme une mutilation sexuelle féminine : « mutilation » induit une aggravation du délit s’il est accompli par des personnes ayant autorité (les parents), « sexuelle » : les délits sexuels perpétrés à l’étranger par les personnes résidant habituellement en France sont poursuivis à leur retour sur le territoire Français.
Mariages sous contraintes
En France, mariage et grossesses précoces sont subis par des jeunes filles, en fonction des coutumes de pays d’origine. Or l’âge nubile pour les filles comme pour les garçons est de 18 ans et le mariage civil, seul reconnu par la loi, doit précéder toute cérémonie religieuse de « mariage ». Cependant des parents, en toute illégalité, organisent pour leurs filles mineures (parfois de moins de 15 ans) des mariages religieux.Débat avec la salle :
Amina Khalid, de l’association des femmes marocaines progressistes, a présenté les actions de son association pour la scolarisation des filles en milieu rural (moins de 50% au niveau du collège).Une porte-parole des islamistes marocains s’est exprimée pour vanter la situation des femmes islamistes au Maroc. A voir leur nombre dans la délégation marocaine, c’est en effet un bon moyen d’avoir les financements de l’État… Se présentant comme femme autonome, médecin pédiatre, son discours a été déconstruit par les marocaines démocrates présentes dans la salle, rappelant que si elle était pédiatre c’est parce que les femmes médecins islamistes ne peuvent pas soigner les hommes… il lui a été rappelé la réalité de la situation des femmes aujourd’hui au Maroc, considérées par leur Ministre comme complémentaires des hommes, ainsi qu’elle l’a affirmé lors de son discours à la CSW.
Conclusion :
La Convention pour l’élimination des discriminations envers les femmes (Cedaw) et la Plate-forme d’action de Pékin affirment « Aucun prétexte de traditions, de coutumes ou de religions ne peut être évoqué pour justifier des violations des droits des femmes ».Pour que toutes les femmes aient accès aux droits fondamentaux universels, à leur autonomie et émancipation, la laïcité, la séparation entre le religieux et le politique, est indispensable.
« La loi pour tous, la foi pour soi » comme disent nos amies de NPNS :
Ne soyons ni dupes ni complices du discours englobant des fondamentalistes religieux, négation de l’autonomie de l’individu. Pour cela :
- Affirmer les principes universels d’égale dignité des hommes et des femmes.
- Refuser toute justification religieuse d’atteinte aux droits des femmes. Toutes les femmes et jeunes filles dans un pays ont les mêmes droits.
- Dénoncer l’argument du relativisme culturel qui permet aux fondamentalistes religieux d’opprimer leurs coreligionnaires, à commencer par les femmes.
Particularismes, individualismes, corporatismes, communautarismes, ethnicismes, colorismes, séparatismes qui ignorent le bien commun relèvent de la même logique. Ils créent des tensions qui ne peuvent conduire qu’à des conflits, des exclusions et entraîner perte du sens civique et danger pour la paix civile.
Aussi je vous invite à suivre le conseil de Voltaire à M. le Marquis de Villevieille, 20 décembre 1768 « Je brave le diable qui n’existe point et les vrais diables fanatiques qui n’existent que trop ».
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1 Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo.